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Présentation de l’œuvre de Philippe DORIN
Par les élèves de l’atelier d’écriture de 5ème
Collège Pierre Mendès-France (Paris 20ème)

 

Création: 18/01/07 - Mise à jour: 11/02/08

Philippe DORIN est l'auteur de la pièce Bouge plus! qui fait l'objet de notre tutorat théâtral avec les élèves de CM1-CM2 de l'école Le Vau. Nous avons préparé pour eux une présentation de l'oeuvre de cet auteur de nombreuses pièces de théâtre pour la jeunesse (mais pas seulement) dont nous irons voir la pièce le 20 janvier 2007. Florent Nicoud, le comédien qui interprète le rôle de L'Enfant, dans cette pièce, nous a aidés à préparer notre intervention, grâce à notre partenariat avec le Théâtre de l'Est Parisien.
Nous ferons une lecture expressive des extraits proposés, sour la forme d'un petit spectacle, dans l'obscurité, à la simple lueur d'un feu de bois, sur une idée de Nicolas Larue.


(élèves de 4èmeB - févier 2008)

Différents exercices d'improvisations théâtrales peuvent être imaginés autour de Bouge plus! et proposés aux élèves.
Le thème de
Bouge plus! à également inspiré de nombreuses propositions d'écriture que nous avons traitées dans le cadre de notre atelier d'écriture.

Gabrielle PHILIPPE, professeur de Lettres modernes
et Anne-Sophie LEGRAND, professeur de Physique-Chimie

Pour découvrir chacune des pièces suivantes, cliquez sur les titres:
En attendant le Petit Poucet
Dans ma maison de papier, j'ai des poèmes sur le feu
Ils se marièrent et eurent beaucoup de
Sacré silence
Bouge plus!

Entretien avec Philippe DORIN, propos recueillis par Gabrielle PHILIPPE
 

Nouveau: Découvrir une Pièce (dé)montée (dossier pédagogique) consacrée à L'Hiver, quatre chiens mordent mes mains et mes pieds de Philippe Dorin, par Gabrielle PHILIPPE, ed. Scérén, CRDP de Paris, janvier 2008


En attendant le Petit Poucet
, de Philippe DORIN
Edition : Théâtre, l’Ecole des Loisirs, 1999
Par Célia

La pièce met en scène 3 personnages : LE GRAND, LA PETITE, UN PETIT CAILLOU BLANC. Dans toutes les pièces de Philippe DORIN, il n’y a que très peu de personnages : deux ou trois, quatre, au maximum. Ils ont toujours des noms qui sont en fait des noms communs.
Le titre de la pièce fait penser au célèbre conte du Petit Poucet, qui sema des cailloux, puis des miettes de pain, pour retrouver son chemin, après avoir été abandonné au milieu de la forêt par ses parents qui n’avaient plus les moyens de l’élever. Philippe DORIN aime beaucoup les contes, d’ailleurs, dans un livre, il a écrit : « … les contes sont extrêmement puissants. Parce qu’un conte raconte plein de choses mais avec un vocabulaire d’une très grande simplicité. » (Philippe Dorin, un itinéraire, Entretien avec Claudine Galea, Editions du Centre National des Ecritures du Spectacle - La Chartreuse, collection Itinéraire d’auteur, 2006, p.46)
Il aime aussi les cailloux, peut-être parce qu’ils ne « Bougent plus » (Nabil, 5èmeF). D’ailleurs, Philippe DORIN en fait des sculptures, et les fait parler, comme vous pourrez l’observer dans la vitrine de gauche, du Théâtre de l’Est Parisien, où il les utilise pour illustrer la Genèse.


La Genèse, de Philippe DORIN / Bible ouverte sur un chapitre de la Genèse.

Le Grand et La Petite sont seuls au monde. Pour passer le temps, ils s’inventent des fables, pour chercher une explication à ce qui n’en a pas. Ils sèment des cailloux, sur leur chemin, et l’un d’entre eux est un personnage qui les accompagne. Lorsqu’ils ont fini le tour du monde, ils s’interrogent. Comment donner un sens à leur histoire ?

J’aime la manière dont Philippe DORIN décrit les choses. Ses parole sont faciles à comprendre, et très humoristiques, parfois, surtout quand il fait des jeux de mots. Dès le début de la pièce, Le Grand explique ainsi le nom du Petit Poucet :

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Le Grand arrive.

LE GRAND : L’histoire du petit poucet ! L’histoire du petit pouc’est… l’histoire du petit pou ! L’histoire du petit poucet, c’est l’histoire du petit pou. Il en avait plein la tête. Et ça le grattait, ça le grattait. Et chaque fois qu’il se grattait la tête, pour pas qu’on voie que c’était à cause des poux, il disait : « J’ai une idée ! »
Il sème des petits cailloux blancs.


J’ai choisi de faire découvrir aux CM1-CM2 un poème que LA PETITE lit, à la fin de la pièce, p.78 :

La Petite entre sur scène. Elle déplie une feuille de papier. Elle lit.
LA PETITE :
« Les pierres vous donnent des oiseaux.
Les oiseaux vous donnent des pensées.
Les pensées vous donnent des chapeaux.
Les chapeaux vous donnent des orages.
Les orages vous donnent mal au ventre.
Les ventres vous donnent des enfants.
Les enfants vous donnent du souci.
Les soucis vous donnent des fleurs.
Les fleurs vous donnent des tombes.
Les tombes vous donnent des pierres.
Les pierres vous donnent des oiseaux. »
Voilà. C’est tout !
Elle sort. Noir.

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Le Festin de Pierre, Ph. Dorin


Dans ma maison de papier, j’ai des poèmes sur le feu
,
de Philippe DORIN
Edition : Théâtre, l’Ecole des Loisirs, 2002
Par Tiffany et Eva

La pièce met en scène 3 personnages : UNE PETITE FILLE, UNE VIELLE DAME et UN PROMENEUR.

Une petite fille est en train de construire sa maison imaginaire. Mais soudain, elle se transforme en une vieille dame. Un promeneur lui annonce que l’heure de sa mort est arrivée, alors elle cherche un moyen de la retarder. Elle prétend qu’elle doit rendre des chaussures à la petite fille. Le promeneur ne veut pas la laisser faire, car il a peur que ça prenne du temps, et qu’elle lui échappe.
La petite fille et la vieille dame sont en fait la même personne, à des moments différents de la vie. Elles se parlent. Au début de la pièce, Philippe DORIN a écrit : « Tous les enfants sont à l’intérieur d’une vieille personne, mais ils ne le savent pas encore. »
Comme dans Bouge plus ! on peut lire à de nombreux endroits : « Allume ! » et « Eteins ! ». A chaque fois qu’il y a le noir, on observe un silence en même temps. Ça permet de penser à ce qui vient d’être joué.

Parfois, on ne trouve au milieu d’une page qu’une courte didascalie, comme : « Silence. », p.30, ou « On entend fredonner la vieille dame. » p.50. On peut imaginer que cela dure longtemps, et que le personnage fait toutes sortes de choses, sur scène, pendant ce temps.
Il arrive qu’un personnage dise un poème.

Au début de la pièce, p.11, la petite fille décrit le décor de sa maison. Cela nous permet de l’imaginer, sans qu’on ait besoin de le réaliser dans la mise en scène. Cela permet de développer l’imagination du spectateur, mais aussi de monter une pièce sans que ce soit compliqué ou que cela coûte trop cher. On retrouve un passage comme celui-là, dans Bouge plus ! Et dans cette pièce, la table et la chaise, dont la petite fille parle ici, sont très importantes.
En arrivant au Théâtre de l’Est Parisien, dans la vitrine de droite, vous pourrez découvrir une sculpture de Philippe Dorin, Le Festin de Pierre, qui les met en scène. Observez bien cette vitrine, et l’astuce qui lui a permis de réaliser les dalles…

Une petite fille entre.
LA PETITE FILLE : Là, c’est une porte. Là, c’est le couloir. Là, c’est la cuisine. Là, c’est la table. Là, c’est la chaise. Lui, c’est mon petit frère. Pousse-toi !
Là, c’est la fenêtre. Derrière, c’est la mer. Non, c’est la montagne. Non, c’est le désert. Non ! Derrière, c’est juste un petit pré, avec des moutons, un berger et son chien.
Là, c’est le salon. Là, c’est le tapis. Ça, c’est mes chaussures. Là, c’est le fauteuil. Ça, c’est moi qui attends.
Elle s’assoit.
Un temps.

Eteins !
Noir.

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Voici l’extrait dans lequel le promeneur vient annoncer à la vieille dame que l’heure de sa mort est arrivée :

 

LA VIEILLE DAME : Allume !
La vieille dame et le promeneur, face à face.
LE PROMENEUR : J’ai vu de la lumière, lors je suis venu.
LA VIEILLE DAME : Qu’est-ce que tu veux ?
LE PROMENEUR : Toi, tu vas mourir !
LA VIEILLE DAME : Quand ?
LE PROMENEUR : Quand je le dirai !
LA VIEILLE DAME : Tu vas le dire quand ?
LE PROMENEUR : Maintenant !
LA VIEILLE DAME : Tu veux pas attendre un petit peu ?
LE PROMENEUR : L’heure, c’est l’heure !
LA VIEILLE DAME : Il y a deux minutes, je n’étais encore qu’une petite fille.
LE PROMENEUR : C’est comme ça !
LA VIEILLE DAME : Regarde, j’ai toujours ses chaussures aux pieds !
LE PROMENEUR : Et alors ?
LA VIEILLE DAME : Et alors, tu ne vas quand même pas m’emporter avec les chaussures d’une petite fille aux pieds ?
LE PROMENEUR : Qu’est-ce que ça peut faire ?
LA VIEILLE DAME : Tu n’as pas honte ? Laisse-moi au moins les lui rendre !
LE PROMENEUR : Ce sera long ?
LA VIEILLE DAME : Le temps d’une pensée !
LE PROMENEUR : Ce sera loin ?
LA VIEILLE DAME : Juste derrière la porte !
LE PROMENEUR : Alors, dépêche-toi !
LA VIEILLE DAME : Eteins !
Noir.

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Dans un autre passage, p.36-37, une même phrase est construite et poursuivie par deux personnages, dans un dialogue. Cela fait penser au jeu d’écriture surréaliste qui s’appelle le Cadavre exquis. Cette longue phrase raconte un conte. Il y en a un autre, que nous avons beaucoup aimé, p.21-22.

Lumière de lune. La petite fille et la vieille dame allongées loin l’une de l’autre.
LA PETITE FILLE : Un jour,
LAVIEILLE DAME : la nuit,
LA PETITE FILLE : la lune
LAVIEILLE DAME : a disparu
LA PETITE FILLE : derrière la montagne
LAVIEILLE DAME :et elle est tombée
LA PETITE FILLE : dans la poche
LAVIEILLE DAME : de mon berger
LA PETITE FILLE : comme une petite pièce d’or.
LAVIEILLE DAME : Aussitôt,
LA PETITE FILLE : il a sauté dans ses souliers,
LAVIEILLE DAME : et après avoir fermé ses moutons à clé
LA PETITE FILLE : il est descendu en ville
LAVIEILLE DAME : et il a tout dépensé. Il s’est payé un beau costume tout neuf, une petite bagnole de sport, et il est allé dîner en compagnie d’une jolie petite pépée dans le meilleur restaurant de la ville. Mais
LA PETITE FILLE : le soir
LAVIEILLE DAME : quand il est rentré,
LA PETITE FILLE : la nuit
LAVIEILLE DAME : lui a demandé :
LA PETITE FILLE : « Rends-moi la lune ! »
LAVIEILLE DAME : Hélas,
LA PETITE FILLE : au fond de sa poche,
LAVIEILLE DAME : plus qu’une poignée
LA PETITE FILLE : de monnaie.
LAVIEILLE DAME : Alors,
LA PETITE FILLE : il s’est dégonflé,
LAVIEILLE DAME : il a retiré son chapeau,
LA PETITE FILLE : et à la lune, à la deux, à la trois
LAVIEILLE DAME : il s’est jeté du haut de la montagne dans le
LA PETITE FILLE : ciel !
LAVIEILLE DAME : Et c’est depuis ce jour que,
LA PETITE FILLE : la nuit,
LAVIEILLE DAME : la lune
LA PETITE FILLE : a la tête
LAVIEILLE DAME : d’un petit bonhomme
LA PETITE FILLE : qui a bien mangé.
LAVIEILLE DAME : Mais il a sauté si loin
LA PETITE FILLE : que toute la monnaie
LAVIEILLE DAME : qu’il avait
LA PETITE FILLE : au fond de sa poche
LAVIEILLE DAME : s’est envolée.
LA PETITE FILLE : Et c’est depuis ce jour que,
LAVIEILLE DAME : la nuit,
LA PETITE FILLE : il y a les étoiles.
Noir.

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Philippe DORIN fait beaucoup de jeux de mots, dans ces pièces, comme lorsque les personnages expliquent leur nom, p.31 :

LA PETITE FILLE : Allume !
La petite fille et la vieille dame, assises.
LAVIEILLE DAME : Tu le fais exprès ?
LA PETITE FILLE : Moi, je m’appelle Aimée. Et toi ?
LAVIEILLE DAME : Moi, c’est Emma.
LA PETITE FILLE : Aimée, Emma, c’est presque le même nom.
LAVIEILLE DAME : Oui, c’est juste le temps qui change.
LA PETITE FILLE : Tiens, il neige !
LAVIEILLE DAME : Eteins !
Noir.

Ils se marièrent et eurent beaucoup
, de Philippe DORIN
Edition : Théâtre, l’Ecole des Loisirs, 2004
Par Senem et Rahma

La pièce met en scène 4 personnages : LE FUTUR, LA PROMISE, L’AUTRE et JULIETTE BEQUETTE. C’est le seul personnage de toutes les pièces de Philippe Dorin que nous avons lues, qui porte un prénom et un nom propre. « Béquette » fait penser au nom d’un autre auteur de pièces de théâtre, Beckett.

Cette pièce raconte l’histoire d’un garçon qui s’appelle LE FUTUR (le futur mari) et une fille, JULIETTE BEQUETTE. Ils s’aiment énormément, mais un jour, JULIETTE part au bout du monde ; Alors une AUTRE fille débarque et dit au FUTUR que le monde tourne, et que JULIETTE est derrière lui. Elle lui vole un baiser, alors LE FUTUR lui demande d’aller rendre ce baiser volé à sa fiancée.
Quand on lit cette pièce, on se sent vraiment dedans. Elle est courte et écrite en gros caractère, avec des mots simples qui nous aident à mieux comprendre. Le titre de la pièce fait penser à la fin d’un conte. D’ailleurs, Philippe DORIN s’intéresse beaucoup aux contes, parce que tout le monde peut les comprendre. Ils disent beaucoup de choses, avec peu de mots. Dans cette pièce, il y a beaucoup de chansons, comme dans Bouge plus ! avec "Le Fermier dans son pré" et "Mon petit lapin".

Le texte que nous aimerions faire découvrir aux CM1-CM2 est une chanson que JULIETTE fredonne, p.50 :


JULIETTE :
Moi mon amour finit en novembre
Toi le tien ne commence qu’en janvier
Et entre-temps qu’est-ce que tu fais
Et entre-temps qu’est-ce que tu fais

Est-ce qu’on pourrait pas partir ensemble
Pour occuper le mois de décembre
A faire ce qui nous plaît
A faire ce qui nous plaît

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  Un autre passage : p.18 : Pour bien le lire ou le jouer, il faut imaginer les didascalies. Pourquoi ne pas essayer de les écrire ?


Un autre avec des bottes passe par là.
La Promise s’arrête.
Un temps.

LA PROMISE : T’arrêtes de me regarder comme ça ?
L’AUTRE : Comment je te regarde ?
LA PROMISE : Comme ça !
L’AUTRE : Moi, je te regarde comme ça ?
LA PROMISE : Oui !
L’AUTRE : Ca m’étonnerait !
LA PROMISE : Tu t’es pas vu !
L’AUTRE : où c’est que t’as déjà vu qu’on regardait les gens comme ça, toi ?
LA PROMISE : Je m’appelle pas Jean.
L’AUTRE : C’est ridicule ! Pourquoi pas comme ça, pendant que tu y es ? Ou comme ça ? Ou encore comme ça ?
LA PROMISE : N’empêche que, toi, t’arrêtes pas de me regarder comme ça.
L’AUTRE : Qu’est-ce que ça peut faire ?
LA PROMISE : moi, ça me gêne.
L’AUTRE : Comment tu voudrais que je te regarde, alors ?
LA PROMISE : Je sais pas, moi. Comme ça !
L’AUTRE : Pourquoi pas ? C’est toujours mieux que comme ça.
LA PROMISE : Comme ça ou comme ça, je vois pas ce que ça change.
L’AUTRE : Tout.
LA PROMISE : Eh bien moi, si j’ai envie de te regarder comme ça, je te regrde comme ça !
L’AUTRE : Et puis t’arrêtes de me parler comme ça !
LA PROMISE : Comment je te parle ?
L’AUTRE : Comme ça !
LA PROMISE : Moi, je te parle comme ça ?
L’AUTRE : Oui !
LA PROMISE : Première nouvelle !
Un temps.

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Un autre encore : p.38 :

Au public.

JULIETTE BEQUETTE : L’amour, c’est pas compliqué. Soit t’es un garçon, soit t’es une fille. Si t’es un garçon, pas de problème ! Si t’es une fille, c’est un peu plus difficile. Soit t’es belle, soit t’es moche. Si t’es belle, pas de problème ! Si t’es moche, c’est un peu plus difficile. Soit t’es riche, soit t’es pauvre. Si t’es riche, pas de problème ! Si t’es un peu pauvre, c’est un peu plus difficile. Soit t’es en pantalon, soit t’es en jupe. Si t’es en pantalon, pas de problème ! Si t’es en jupe, c’est un peu plu difficile. Soit tu sais parler anglais, soit tu sais pas parler anglais. Si tu sais parler anglais, pas de problème ! Si tu sais pas parler anglais, c’est un peu plus difficile. Soit tu cours très très vite, soit t’es un peu longue à la détente. Si tu cours très très vite, pas de problème ! Si t’es un peu longue à la détente, c’est un peu plus difficile. Soit tu lui colles une tarte de la main gauche, soit tu lui en colles une de la main droite. Y a pas d’autre solution.
Elle regarde derrière le rideau.


Sacré silence sera interprété sur une mise en scène de Nathalie Bensard à Clamart, en avril 2007

Le CRDP de Reims propose une étude de la pièce


Sacré silence
, de Philippe DORIN
Edition : Théâtre, l’Ecole des Loisirs, 1997
Par Imad et Michaël

Les deux personnages de la pièce sont LUMPE, une marchande de sons, et ECHO, une jeune femme.

Sur une route, dans le désert du silence, LUMPE, marchande de son, roule devant elle son bidon plein de bruits, à la recherche de clients. Mais elle ne rencontre qu’ECHO, une jeune femme qui ne fait que répéter ses paroles. Cela l’exaspère.

Dans les pièces de Philippe DORIN, les silences sont très importants. Dans une pièce comme celle-ci, qui parle de bruits et d’écho, ils le sont encore plus. Lorsque nous avons lu Bouge plus ! Florent Nicoud nous a expliqué que les répliques, dans les pièces de Philippe DORIN, doivent parfois s’enchaîner du tac au tac, et que les silences doivent parfois durer longtemps.


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LUMPE : Soupirs, murmures…
ECHO : Soupirs, murmures…
LUMPE : … frôlements, rumeurs !
ECHO : … frôlements, rumeurs !
Lumpe s’arrête.
LUMPE : J’aimerais travailler en paix, s’il vous plaît !
ECHO : J’aimerais travailler en paix, s’il vous plaît !
LUMPE : Sortez !
ECHO : Sortez !
Echo ne bronche pas. Lumpe continue.
LUMPE : Bruiss…
ECHO : Bruiss…
LUMPE : Vous voulez prendre ma place ?
ECHO : Vous voulez prendre ma place ?
LUMPE : Allez-y ! Ne vous gênez pas !
ECHO : Allez-y ! Ne vous gênez pas !
LUMPE : Jalousie, ça !
ECHO : Jalousie, ça !
Lumpe continue.
LUMPE : Bruissements, froissements, crissements, craquements, grondements…
ECHO : Bruissements, froissements, crissements, craquements, grondements…
LUMPE : Très bien ! Je ne dirai plus rien !
ECHO : Très bien ! Je ne dirai plus rien !

Bouge plus !
de Philippe DORIN
Edition : Les Solitaires Intempestifs, 2006
Par Sajeeka et Blaivina

Dans cette pièce, que nous irons voir au Théâtre de l’Est Parisien, trois personnages : LE PERE, LA MERE et L’ENFANT nous parlent des liens familiaux. Ils ont tout le temps l’air d’être en train de jouer, ou d’essayer leurs rôles, mais quand ils veulent en échanger, ça ne marche pas.


L’ENFANT : Maman ?
La mère entre.
LA MERE : Quoi ?
L’ENFANT : Rien !
LA MERE : Bon !
Elle sort.
L’ENFANT : A toi !
LE PERE : Maman ?
Personne.
L’ENFANT : Encore une fois !
LE PERE : Maman ?
Toujours personne.
L’ENFANT : C’est curieux. Maman ?
La mère revient.
LA MERE : Oui ?
L’ENFANT : Rien !
LA MERE : Faudrait savoir !
Elle repart.
L’ENFANT : Essaye encore !
LE PERE : Maman ?
Personne.
L’ENFANT : Sans la chaise !
Le père se lève.
LE PERE : Maman !
Toujours personne.
L’ENFANT : Avec la petite voix !
LE PERE : Maman ?
Rien.
L’ENFANT : C’est pourtant pas compliqué. Maman ?
La mère revient.
LA MERE : Quoi encore ?
L’ENFANT : Rien !
LA MERE : CA t’amuse ?
Elle ressort.
Un temps.

LE PERE : C’est tout ?
L’ENFANT : Oui !
LE PERE : Bon ! Chérie ?
La mère revient.
LA MERE : Oui ?
LE PERE : On y va.
LA MERE : C’est parti.
Elle rejoint le père. Ils sortent.
L’enfant reste seul avec la chaise.

Florent Nicoud (L'Enfant) et Désiré Saorin (Le Père) en répétition au Théâtre de l'Est Parisien, 12 janvier 2007

 

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Trois objets sont très importants, dans cette pièce : la table, la chaise et les fleurs. Il arrive que les objets parlent. Cela nous a impressionnées.

LA CHAISE : Allume !
Lumière. La chaise, seule.
LA CHAISE : Moi, c’et la chaise. C’est exceptionnel que je parle, là. Pas besoin de le dire, que je suis la chaise. Ça se voit tout de suite. Dès qu’on me voit, on se dit : « Tiens, la chaise ! » Pas besoin de dire à quoi je sers, non plus. Pas une seconde on se demande : « Mais qu’est-ce qu’elle fout là, la chaise ? » Non, on se dit : « Quelqu’un va entrer. Il va s’asseoir dessus. » Tout le monde le sait, qu’une chaise, c’est fait pour s’asseoir dessus. Faut rien lui demander d’autre. Y a qu’à se taire et attendre.
Si quelqu’un me dit : « Debout ! », ça marche pas. Y en a qu’ont essayé. On les a enfermés tout de suite.
Voilà ! C’et tout ce que je sais.
Un temps.


 haut de page Nous avons aussi aimé les nombreux jeux de mots que l’on peut rencontrer dans cette pièce. L’écriture de Philippe DORIN est facile à comprendre, et amusante.

La mère se retourne.
LE PERE :
Maman
Taman
Saman
Notreman
Votreman
Leurman.
Avec les fleurs !
(Il prend les fleurs.)
Maman
Taman
Saman
Notreman
Votreman
Leurman.
Voilà !
C’est tout !
Alors ?
LA MERE : Ca te va bien, toi !
Le père garde les fleurs.
LE PERE : Eteins !

LA MERE : Attends !
L’ENFANT : Là, ça va mal tourner !
La mère se désigne.
LA MERE : Je !
Elle désigne l’enfant.
LA MERE : Tu !
Elle désigne le père.
LA MERE : Il !
L’enfant vise le père.
L’ENFANT : Pan !
Le père tombe.
LA MERE : Au lit !
Noir.

LE PERE : Répète ?

haut de page Les noirs et les silences donnent le rythme de cette pièce. Ils permettent de délimiter les différentes scènes, qui sont comme des tableaux, et qu’on pourrait aussi bien jouer dans le désordre, ou même rejouer.

 

Philippe DORIN au Théâtre de l'Est Parisien, le 12 décembre 2006 / Ceci n'est pas un montage! (Lila Destelle, du Théâtre de l'Est Parisien)

Les deux pièces sont jouées en alternance jusqu'au 10 février 2007 au Théâtre de l'Est parisien

 

 

 

 

 

 


Entretien avec Philippe DORIN

A l’occasion des représentations de
Bouge plus ! et de Christ sans hache
Au Théâtre de l’Est Parisien

Propos recueillis par Gabrielle PHILIPPE, le 19 décembre 2006

Bouge plus ! n’est pas une pièce destinée à la jeunesse. Cette pièce, créée en 2004, « a été conçue comme une suite de scènes pouvant servir de matériel à la construction d’un spectacle. L’ordre peut en être changé. Certaines scènes peuvent être répétées plusieurs fois, sur des modes différents ou en interchangeant les rôles. […] Les temps de silence doivent être extrêmement dilatés. […] Il faut toujours qu’on garde l’impression de quelque chose qui s’essaie. » Il convient néanmoins de respecter les trois axes autour desquels s’articule cette pièce qui met en scène un père, une mère et un enfant. Ces trois axes sont en lien avec des objets : la table, la chaise et les fleurs. Il convient, lorsque ces objets prennent la parole, de contenir les réactions du jeune public, dont les rires pourraient bousculer le jeu. Ce qui compte n’est pas le moment où les choses sont dites, mais le temps qui suit, les silences où le sens se révèle.
Philippe Dorin insiste sur l’importance des silences, mais aussi de l’écoute, qui lui est liée. « L’écoute compte plus que la manière de dire le texte. Elle donne l’impulsion et guide l’intention de l’autre. Les silences, eux, font surgir le sens. » Dans son théâtre, il avoue écrire beaucoup de « bêtises », et il insiste sur le fait qu’il ne faille pas surcharger son texte de poésie ou d’intentions exagérées, de surjeu. « Il ne faut pas chercher à donner du sens à ce qui n’en a pas priori. » Il est important de créer les conditions pour installer une conversation, un échange de banalités entre des personnes qui n’ont rien à se dire.
Le dramaturge s’inspire d’enfants qui énoncent des règles du jeu sans jouer, passant du coq à l’âne, d’une chose profonde et grave à une chose futile. « Les gens démunis disent parfois des choses très fortes. Je veux que mes personnages soient très démunis, bien qu’en tant que personnages de théâtre, ils doivent être exemplaires. Je m’inspire beaucoup de Godot. L’échange de répliques vient d’un surgissement et crée subitement une situation. En très peu de mots, une situation se crée. Les paroles sont très épurées. Une fois que la chose est dite, on passe. » Ce que Dorin privilégie, c’est un théâtre de situation, dans lequel les personnages meublent le temps. Et l’auteur de reconnaître que ses personnages échangent beaucoup de banalités, faisant parfois des jeux de mots très mauvais.
« L’écriture n’est pas toujours une chose cérébrale, qui s’est construite en esprit. Ce sont les mots qui guident l’écrivain et qui construisent le sens au fur et à mesure. Un écrivain, c’est quelqu’un qui arrive à mettre des mots les uns à la suite des autres et à créer une singularité. Cela n’a rien à voir avec un langage littéraire. L’écriture n’est pas une chose savante et systématiquement pensée. Les écrivains qui ont un style travaillé et pensé sont des faiseurs. » Dorin pense que dire cela aux élèves peut leur prouver que l’écriture est à la portée de tout le monde, même pour quelqu’un qui n’a que quatre mots dans son répertoire. « J’étais un mauvais élève, surtout en français. Je ne peux pas m’empêcher de dire Il y a… et c’est ce qui crée mon style. » C’est un peu dans cette optique qu’il a rédigé certains passages chantés de Christ sans hache en allemand, en ne se fiant qu’à ses souvenirs d’élève, sans avoir recours à des dictionnaires ou à des manuels de grammaire, afin de faire avec le peu de vocabulaire qu’il possède, en contournant les difficultés, en ayant recours à des périphrases, lorsque des mots lui ont fait défaut. C’était comme un « challenge », d’écrire dans la langue la plus pauvre possible. La traduction des chansons en allemand est toujours livrée avant.
« Les contes sont pour moi un modèle, car il sont arrivés à un tel état d’épure, de limpidité, de simplicité, que tout le monde peut les entendre. » Il ajoute : « Je ne sais pas écrire des histoires. Je n’y arrive pas. J’aimerais écrire des histoires comme les enfants y causent. »
Pour Daniel Jeanneteau, metteur en scène, « ce qu’il y a de bien, c’est que la pièce brille par son absence. » Ce n’est qu’un squelette. Tout est à inventer. Le dramaturge ne doit donner qu’un squelette aux comédiens, pour qu’ils puissent donner toutes les interprétations possibles. Mais le dramaturge doit leur donner une pièce ergonomique, qui leur convienne. Les québécois appellent « textes blancs » les échanges de banalités qui permettent de travailler la présence.
Bouge plus ! est un texte sur le théâtre, qui regroupe dialogues, monologues, énumérations, poèmes et chansons. Cette pièce ouvre une trilogie que poursuit Christ sans hache, et qui sera prolongée par une troisième œuvre. Chaque pièce compte un comédien de plus et comporte de plus en plus de musique.

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